Pâques, une aide active à vivre

Pâques, une aide active à vivre – homélie du dimanche 9 avril 2023 – Jour de Pâques

10h30 Cathédrale de Gap

« Dieu l’a ressuscité le troisième jour. Il lui a donné de se manifester (…) à des témoins que Dieu avait choisis d’avance » annonce st Pierre aux habitants de Césarée « Non, je ne mourrai pas, je vivrai, pour annoncer les actions du Seigneur », proclamait déjà le psalmiste. « Frères, si vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les réalités d’en haut » invite st Paul aux habitants de Colosse. « Il vit, et il crut » commente saint Jean en parlant de lui-même.

Autant la longue écoute de la Parole de Dieu cette sainte nuit de Pâques nous a aidé à prendre de la hauteur, à entrer dans l’histoire du salut, à comprendre comment la mort en croix du Christ, puis sa résurrection s’inscrivent dans le temps long de l’Alliance de Dieu avec l’humanité, autant la parole de ce jour nous invite à tirer les conséquences de la résurrection pour chacun de nous. Deux parties : le contexte actuel de cette annonce de la Résurrection, et ce que nous pouvons tirer personnellement de cette résurrection de Jésus.

I. Le contexte : nous vivons cette Pâques alors que nous avons l’épée de Damoclès des guerres en Ukraine et ailleurs, et chez nous d’une aggravation du conflit social et surtout d’une loi autorisant l’euthanasie et le suicide assisté. Hier samedi saint, j’ai reçu longuement un journaliste du Dauphiné Libéré, qui faisait lui-même le lien entre Pâques, mort et résurrection de Jésus et le débat actuel sur une aide active à mourir, euthanasie ou suicide assisté. Nous avons eu une conversation passionnante, dont je tire deux points.

1er point concernant la société toute entière : ce projet arrive à contre temps de ce qu’on a redécouvert par la pandémie et maintenant la guerre en Ukraine. Ce que les psychologues appellent les évènements limites dans nos vies, les grandes douleurs, la mort d’un proche, l’échec, etc., nous recentrent sur l’essentiel, c’est à dire l’amour. Il me semble que les crises que nous traversons nous font vivre des évènements limites au niveau de toute la société.

Ainsi, notre société au fil des décennies avait caché et individualisé la mort. Rares sont les français qui ont vu un mort. On ne croise aucun mort dans les hôpitaux alors que les anciens se rappellent qu’à la mort d’un habitant du village, on sonnait le glas et on se retrouvait dans la maison du défunt. Mourir seul a atteint son paroxysme pendant le confinement, avec des familles interdites de voir leurs anciens et leurs malades et de les accompagner, et même les morts, avec des cercueils fermés hermétiquement avant l’arrivée de la famille. N’a t’on pas redécouvert le sens primordial de l’accompagnement des anciens et des malades ? Au pied de la croix, il y avait Marie, Jean et les saintes femmes ; j’aime à y voir les soignants et particulièrement ceux qui sont en mission de soins palliatifs. N’a t’on pas redécouvert le sens de la vie ?

2ème point, concernant le mourant : euthanasier ou proposer un suicide est non seulement un crime, contraire au commandement « tu  ne tueras pas », mais c’est aussi un vol ; c’est voler la mort au mourant, voler le temps précieux que les soins palliatifs laissent au mourant et à la famille. Ecoutez la passionnante 2ème conférence de Carême sur la chaine Youtube du Laus sur les soins palliatifs, ou la 4ème sur se préparer à sa propre mort. J’aime personnellement comparer la mort à un col : vous arrivez au col. Un malade du sida à qui je disais cela au début de mon ministère sacerdotale m’a répondu : père, la montée est rude. Oui, c’est vrai, la montée est parfois rude et douloureuse, mais on la fait ensemble. C’est le rôle des soins palliatifs. Et le vrai scandale du mal mourir en France est que 21 départements n’ont aucun services de soins palliatifs. La scandale c’est que les médecins n’ont pratiquement aucune formation palliative. De plus, pour nous chrétiens, du col, on a une vue sur la vallée suivante, le monde de Dieu, et c’est magnifique. Je vous invite à écouter la 5ème conférence : de la mort à la vie, les fins dernières.

Frères et soeurs, chers amis, pour ne pas nous laisser impressionner par la propagande en faveur de l’euthanasie et de l’aide active à mourir, je vous invite, en plus d’écouter les conférences de Carême au Laus, à participer à un ciné-débat, « mourir n’est pas tuer », lundi 17 avril à 20h15, soit lundi en 8, à l’auditorium du Centre Diocésain. Je vous invite également à lire un texte du Conseil Permanent de l’épiscopat daté de notre rencontre à Lourdes, intitulé « l’aide active à vivre, un engagement de fraternité ».

II. Permettez-moi de plagier ce titre : Pâques, une aide active à vivre, pour tirer des éléments pour notre vie à partir de cette résurrection. Reprenons les 4 paroles que je citais en introduction :

Dans la première lecture : « Dieu l’a ressuscité le troisième jour. Il lui a donné de se manifester (…) à des témoins que Dieu avait choisis d’avance » annonce st Pierre aux habitants de Césarée. C’est difficile de parler de la Résurrection et ce qu’il y a après la mort, car disait un commentateur, personne ayant vécu cette expérience n’est revenu pour nous en parler. Les voyages aller-retour aux frontières de la mort ne nous apprennent pas grand chose. Seul Jésus est apparu à ses apôtres après sa mort. Il ajoutait : je n’ai pas de doute sur le témoignage de ces hommes qui ont été les témoins de tous ces évènements. Ils ne se sont pas enrichis ; ils n’ont pas essayé de prendre la place de Pierre d’une façon ou d’une autre ; ils n’avaient pas le gout d’un pouvoir quelconque. En fait ils sont morts martyrs, témoins jusqu’au sang en étant fidèles à leur mission de proclamer ce qu’ils avaient vu et entendu. » (Mgr Bruno Feillet, évêque de Séez, Eglise dans l’Orne – avril 2023)

Oui, Pâques est une aide active à vivre ! Le Christ est vivant ; certains l’ont rencontré ; je l’ai rencontré. En témoigner fait notre joie.

Car le psalmiste proclamait déjà : « Non, je ne mourrai pas, je vivrai, pour annoncer les actions du Seigneur ». N’est-ce pas un beau programme de vie ?  Dans sa lettre ‘La Joie de l’évangile’, que je cite dans ma lettre pastorale ‘Mission Altitude’, le pape François lance un appel adressé à chaque chrétien, pour que personne ne renonce à son engagement pour l’évangélisation, « s’il a vraiment fait l’expérience de l’amour de Dieu qui le sauve ». Frères et soeurs, oui, chacun de nous a fait cette expérience de l’amour de Dieu qui le sauve. Chacun de nous a vécu plusieurs morts et plusieurs résurrections, qui sont comme des indices de ce que Jésus a vécu et de ce que nous vivrons à la fin des temps. Oui, Pâques est une aide active à vivre !

Alors St Paul invite les habitants de Colosse : « Frères, si vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les réalités d’en haut ». C’est une invitation à vivre à ce niveau là. Le péché est de vivre au dessous. Oui, Pâques est une aide active à vivre !

Enfin, saint Jean en parlant de lui-même, a eu cette parole lapidaire : « Il vit, et il crut ». Il avait juste aperçu des linges, posés à plat. En grec, ce verbe « il vit » pourrait être compris comme l’expression française « je vois ce que vous voulez dire ». C’est une vision profonde, intérieure. Il a alors compris et crut tout ce que Jésus avait annoncé, « que, selon l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts ». Oui, Pâques est une aide active à vivre !

Amen !